« Aujourd’hui, il n’y a plus de marché de l’horlogerie, tout simplement parce qu’il y a mille autres façons d’avoir l’heure sans regarder sa montre, à commencer par son smartphone », constate Pierre Guerrier, co-fondateur de Riskers et ancien cadre chez Richemont et Piaget.
Avec la complicité de Thomas Noël, serial entrepreneur, Malo le Bot, directeur artistique, et Maÿlis Rangheard, illustratrice, il lance la marque de montres de luxe Riskers en mai 2018 en s’appuyant sur un solide storytelling 100% digital. La stratégie est payante : après avoir tissé le fil de l’histoire pendant un an et demi, 250 précommandes de 300€ à 900€ sont passées sur le site e-commerce en 8 semaines. Et ce à 90% grâce aux réseaux sociaux. Analyse.
1. Une histoire inspirante
« Ce qui nous intéressait, c’était avant tout de ressusciter la saga des montres des tranchées : ces gens ordinaires qui ont quitté leurs maisons, équipés de montres à gousset inadaptées à ce qu’ils allaient affronter sur le front, ce sont eux qui ont inventé la montre au poignet ! », raconte le co-fondateur. Les valeurs véhiculées par la marque sont donc la bravoure, le risque pour les autres et l’esprit collectif au quotidien. « Mais surtout pas la commémoration », précise Pierre Guerrier. L’histoire se raconte jusque dans le design d’un chiffre 12 plus imposant que les autres, qui permettait aux soldats de mieux se repérer dans les tranchées, ou à travers le « K » du logo Riskers, symbole d’un homme dans un groupe s’avançant pour protéger les autres.

2. Un univers visuel fort basé sur l’illustration
Pour Riskers, l’illustration est la clé pour se démarquer visuellement. « Ce traitement d’image est original, émotionnel et artistique », souligne Pierre Guerrier, qui y voit à la fois un moyen de créer une expérience, d’homogénéiser différents univers, d’ajouter du contraste et de l’intensité, et de stimuler l’imaginaire pour mieux se projeter. « Avec ces reflets bleutés dans le noir et blanc, on flirte avec le comics, c’est vraiment bluffant », s’enthousiasme-t-il.
3. Une communauté bâtie sur la valeur courage
« On a tout pensé en même temps, que ce soit le storytelling, le design, les réseaux sociaux, la stratégie de communication… mais ce que l’on souhaitait avant tout, c’était créer une communauté autour d’une thématique plus large que la montre elle-même, trouver la dimension commune », confie Pierre Guerrier. Ce sera la bravoure, celle de soldats ou de fondateurs/trices de start-up, celle de femmes et d’hommes d’époques anciennes ou contemporaines. Par tâtonnement, l’équipe choisit d’investir Instagram, Facebook et Linkedin, et décident de ne s’adresser qu’en B2C, même sur ce dernier réseau : « avant de s’adresser à des professionnels, nous parlons avant tout à des individus qui vivent des émotions ».

4. Une stratégie de contenus haut de gamme
Investir les réseaux sociaux, oui, mais pas question de fédérer n’importe comment. « On observe un effet chaud-froid entre les marques et les utilisateurs des réseaux sociaux », observe Pierre Guerrier : pour les unes, communiquer sur le digital est souvent considéré comme la fin du cycle quand pour les autres, suivre une marque sur un réseau social n’est que le début d’une relation. D’où cet effet déceptif généré par des publications 100% promotionnelles ou « faussement authentiques et inspirationnelles, car ultra-tactiques ». « Pour nous, le challenge est de ne créer aucun contenu, les hommes existent ou ont existé, il s’agit seulement d’aménager la forme », explique-t-il.
Autre défi : « Nous ne voulions pas tomber dans cet écueil qui consiste à incarner l’entrepreneur et faire des vidéos en mode garage« . Riskers veut la jouer collectif et rester classe. Cela passe non seulement par l’œil avisé du DA sur l’ensemble des supports de communication mais aussi par l’illustration elle-même, qui met tout le monde sur un pied d’égalité et garantit la cohérence et la qualité de l’image.
5. Un solide réseau personnel et professionnel
Parmi les éléments fondamentaux de ce lancement réussi, il y a aussi le réseau : « le noyau dur, c’est-à-dire l’équipe mêlant experts du luxe et de l’entrepreneuriat, les amis, la famille, les anciens collaborateurs et ceux qui nous suivent depuis le début, mais aussi nos partenaires, très prescripteurs, et les médias« , analyse Pierre Guerrier. En plus d’articles parus dans le New York Times ou le Figaro, certains journalistes sont allés jusqu’à précommander un modèle pour eux-mêmes, convaincus par le produit avant même de l’avoir vu.
6. Un engagement caritatif
Dernier ingrédient : Riskers tisse des partenariats avec les associations et ONG Enfants du Mékong, Douleur Sans Frontières et les Troupes de montagne, dont elle soutient financièrement les causes humanitaires. À travers eux, la marque repère des personnalités aux parcours édifiants, qui viennent alimenter le storytelling de la marque et en deviennent des ambassadeurs : le soldat Albert Roche, Pierre Muller et Guillaume d’Aboville par exemple. Avec les Troupes de montagne, Riskers va jusqu’à designer un modèle dédié, une collection capsule en édition limitée dont l’étoile bleu glacier, les couleurs kaki et sable et le cadrant minéral rappellent la roche et la glace.
« Le storytelling peut mener loin ! », conclut le co-fondateur, pour qui le plus grand risque pris jusqu’ici est justement d’avoir « quitté un groupe de luxe pour se lancer dans cette aventure entrepreneuriale ». Valeurs partagées, réseau réel, contenus authentiques, engagement et défense de causes qui nous tiennent à coeur : et si la clé d’un bon storytelling de marque était d’aller chercher dans les éléments de récit de son propre parcours de vie ?