On entend souvent que les fameuses générations Y et Z (soit respectivement les 25-35 ans et les 10-25 ans) seraient des générations à part. Des extraterrestres aux us et coutumes insaisissables, addicts aux écrans et hermétiques à leurs parents. Au contraire, elles affirment ne pas ressentir de différence fondamentale avec les générations plus âgées, sont en quête de sincérité et de réalisme, et rejettent les archétypes idéalisés. Cette étude menée par Storymind pour Prisma Media Solutions nous ramène tranquillement sur Terre.

Loin de rejeter les générations plus âgées, les 18-34 ans seraient surtout en quête d’identité, de liberté d’être singulier et de confiance en soi dans un monde pétri de paradoxes, s’accrochant au divertissement comme à une bouée de sauvetage pour échapper à une réalité déstabilisante. Grands consommateurs d’écrans et de contenus, ils challengent les marques et les médias en plébiscitant le réalisme et rejettent les archétypes du winner, de l’entrepreneur et du start-uper. Ils veulent que l’on s’adresse à eux en connaissance de cause, dans toute leur complexité, et sans vouloir à tout prix les faire rêver.

En résumé : une tranche d’âge ancrée dans une réalité complexe, qui souhaite qu’on lui parle des choses concrètes et qu’on l’aide à grandir, en toute confiance, sans l’infantiliser ni la caricaturer. Voici quelques morceaux choisis de cette étude éclairante.

Recherche de complicité intergénérationnelle

L’un de plus gros clichés mis en miettes par cette étude est cette idée selon laquelle les 18-34 ans seraient hermétiques aux codes et aux valeurs des générations plus âgées. Au contraire, 59% pensent qu’il y a peu de différence générationnelle avec leurs parents et 83% sont optimistes sur l’avenir de leurs relations avec eux. Le confinement a d’ailleurs renforcé cette envie de dialogue entre générations, provoquant une sorte d’exode rural des plus jeunes vers le lieu de vie de leurs parents. La famille a retrouvé son statut de refuge, d’endroit où l’on se sent en sécurité. « Le confinement a révélé que l’on a besoin de l’autre, qu’on est interdépendants. Le moment covid a été la peur pour tout le monde et un moment de rapprochement », souligne le sociologue spécialiste des études intergénérationnelles Serge Guérin.

Peu de sentiment d’appartenance au collectif, culte de l’ego-design

Les 18-34 ans disent ne pas se sentir appartenir à un collectif, ils se considèrent avant tout comme des personnes singulières, capables de s’inventer et se réinventer, et visent en priorité la liberté d’être soi. L’enjeu ici pour les marques et les médias est bien de les représenter non pas à travers des codes communs d’appartenance, mais à travers une multitude d’identités. Ils ne sont plus seulement attirés par des marques iconiques, sources de statut et de réassurance dans l’échelle sociale comme Sony, Apple ou Chanel, mais aussi par des marques prônant une sorte de versatilité, comme Sephora ou Zalando.

Manque de confiance en soi, doute et flottement

L’époque est profondément paradoxale et les 18-34 ans se disent plutôt inquiets. Ils entendent beaucoup parler dans les médias du monde d’après mais se sentent toujours vivre dans le vieux monde. Ils passent 5h45 par jour sur leur smartphone en moyenne et ont conscience de l’effet pervers du digital et des réseaux sociaux en particulier, ces fenêtres ouvertes sur la vie personnelle voire intime de tout un chacun, invitant sans cesse à la comparaison. Sans oublier les effets psychosociaux du confinement et la peur de se retrouver seul, de perdre ses projets et sa joie de vivre.

L’entertainment comme bouée de sauvetage

38% des 18-34 ans interrogés disent se réfugier souvent dans le divertissement « pour échapper à la réalité ». Fascinés par le monde « d’avant Internet », ils regardent Friends, Colombo, Star Wars et se passionnent pour les sorcières, l’astrologie, les fantômes… « Le passé est un imaginaire puissant pour les 18-34 ans, cela les emmène ailleurs », souligne Jean-Emmanuel Cortade de la Saussay, fondateur de l’agence Storymind. À l’inverse, ils sont aussi attirés par les contenus très réalistes comme les séries Black Mirror ou Stalk.

Citoyens éco-croyants mais pas toujours pratiquants

« Il est faux de dire que les 18-34 ans ont une sensibilité plus forte aux enjeux de société que les autres générations », insiste l’analyste. Certes, ils mangent moins de viande que leurs aînés par exemple, prennent plus les transports en commun ou prennent plus facilement la parole pour s’ériger contre le racisme ou le sexisme. Mais ils s’investissent moins que les plus âgés dans le fait d’acheter bio et local, cuisiner soi même, trier ses déchets, signer une pétition, réduire la connexion aux écrans, faire des dons à des associations caritatives ou renoncer à un plaisir pour une cause écologique. Les trois raisons principales évoquées : le prix, la perte de temps et la perte de plaisir. « Pour continuer ce lent travail vers la consommation responsable auprès de cette cible, l’injonction sur des valeurs vertueuses ne suffira pas. Il faudra réfléchir au prix, à la praticité et au plaisir », recommande Jean-Emmanuel Cortade de la Saussay.

Une plus grande confiance dans les médias historiques

C’est peut-être l’enseignement qui casse le plus gros cliché : alors que les 18-34 ans représentent la génération qui consomme le plus de contenus digitaux, ils considèrent les médias traditionnels et historiques plus fiables, solides et rassurants dans le temps long que les pure players et les réseaux sociaux. Les formats informatifs qu’ils plébiscitent sont :

  • Les podcasts (37% des 18-34 ans en écoutent au moins 1 fois par mois)
  • Le live (internet et médias traditionnels) car il véhicule un sentiment de vérité
  • Les enquêtes vidéo open source (par exemple, Le Monde inspiré de Bellingcat)
  • les documentaires sur Netflix
  • Les conférences TedX

Ils veulent des contenus plus réalistes, pragmatiques, pratiques

Ce que les 18-34 ans disent détester par dessus tout, ce sont les archétypes du winner, du citoyen engagé idéal et du glandeur qui se fout de tout. Ils sont tout sauf ces clichés et se détournent des discours qui leur imposent ces images. Très sensibles à la sincérité des discours, ils veulent avant tout avoir confiance et se reconnaître.

Retrouvez toute l’étude « Conférence 18-34 ans : une génération qui assume ses paradoxes ? » en replay ici 

Crédit photo : Markus Spiske via Unsplash